Le photovoltaïque en toiture sacrifié : coup d’arrêt à la transition énergétique locale ?
La transition énergétique citoyenne et locale est-elle en train de subir un coup d’arrêt brutal ? Les récentes annonces concernant la révision du tarif d’achat S21 pour les installations photovoltaïques en toiture (100-500 kWc) et les aides aux installations de plus de 500kWc laissent craindre le pire. Décryptage d’une situation qui menace des milliers d’emplois, les projets solaires portés par les collectivités, et la filière dans son ensemble.
Un « moratoire déguisé » et des aides en chute libre
Les bruits de couloir se sont transformés en confirmations alarmantes, renforcées par les récentes déclarations du ministre de l’Industrie et de l’Énergie, Marc Ferracci. La révision du tarif d’achat S21, qui concerne les installations photovoltaïques en toiture de 100 à 500 kWc, s’annonce catastrophique.
Mais ce n’est pas tout : les installations de plus grande puissance (>500kWc) sont également visées par une réduction drastique, voire une division par deux ou trois, des aides financières. Ce segment, pourtant crucial pour la transition énergétique des territoires, est sur le point d’être étranglé par une baisse drastique et rétroactive des tarifs, et une réduction massive du soutien public.
Des chiffres qui font froid dans le dos
Selon les informations qui circulent, et relayées par des acteurs majeurs comme Enerplan et la FNCCR, le tarif d’achat pourrait chuter à 95€/MWh dès mai 2025, avec une fin programmée du tarif d’achat pour les installations de 200 à 500 kWc dès juillet 2025. S’y ajoute un projet d’arrêté qui prévoit de diminuer la prime à l’autoconsommation et l’obligation d’achat de l’électricité produite pour les installations de plus de 500kWc. Ces chiffres, s’ils sont confirmés, fragilisent la rentabilité de nombre de projets.
Les projets photovoltaïques des collectivités en première ligne
Ce sont les collectivités locales qui risquent de payer le prix fort. Elles sont nombreuses à avoir misé sur le solaire en toiture pour leurs bâtiments publics (écoles, gymnases, etc.) et les ombrières de parking. Ces projets, souvent portés par des structures locales (SEM, SPL), sont à la fois des leviers de décarbonation, des sources de revenus pour les communes et des moteurs d’emploi local.
Lionel Guy, de la FNCCR, tire la sonnette d’alarme : ces projets « portent sur des modèles de transition partagés, essentiels pour atteindre nos objectifs de décarbonation. » Leur remise en cause est un non-sens écologique et économique.
Une filière solaire française en danger
L’impact ne se limitera pas aux collectivités. C’est toute la filière solaire française qui est menacée. Xavier Daval, Président de la Commission Solaire du Syndicat des énergies renouvelables, parle d’une menace existentielle pour 20 000 à 30 000 emplois. Il souligne l’incohérence d’une telle décision alors même que la France cherche à réindustrialiser le secteur photovoltaïque.
Jérôme Mouterde, cofondateur de DualSun (fabricant de panneaux solaires hybrides), craint un « coup d’arrêt brutal » et évoque le spectre de la crise de 2010, qui avait entraîné une perte massive d’emplois dans le secteur.
Des contradictions flagrantes
Cette révision tarifaire intervient dans un contexte pour le moins paradoxal :
- La France affiche des ambitions de réindustrialisation verte, avec notamment des projets de gigafactories de panneaux solaires.
- La loi d’accélération des ENR impose des obligations de solarisation des bâtiments et des parkings.
- L’Europe fixe des objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables (42,5% d’ici 2030).
Comment expliquer un tel revirement ? S’agit-il d’une volonté délibérée de favoriser d’autres filières énergétiques lié à du lobbying ?D’économie budgétaire de l’état au détriment de sa politique environnementale ? Le ministre Ferracci, lui, campe sur ses positions, estimant que le photovoltaïque doit avant tout servir à l’autoconsommation.
Une hypothétique compensation qui n’arrive pas
Une réduction de la TVA de 10% à 5,5% sur les équipements photovoltaïques est évoquée, mais elle ne serait effective qu’en octobre 2025. Cette mesure, si elle était confirmée, arriverait bien trop tard pour compenser l’impact immédiat de la baisse des aides et des tarifs. L’incertitude actuelle paralyse déjà les décisions d’investissement, comme le souligne le Progrès dans son édition du mardi 25 février 2025. Une réunion prévue le 6 mars devrait apporter des clarifications, mais en attendant, c’est tout un secteur qui retient son souffle.
L’autoconsommation collective : une solution à préserver
Au milieu de ce tableau sombre, l’autoconsommation collective apparaît comme une voie à explorer, voire à privilégier. Des initiatives comme celles de HubWatt ou d’Energ’iV en Ille-et-Vilaine montrent qu’il est possible de construire des modèles économiques viables en circuit court. Cependant, même ces modèles ont besoin d’un cadre réglementaire stable et d’un minimum de visibilité.
Vigilance
La filière solaire, les collectivités, les citoyens engagés dans la transition énergétique doivent faire entendre leur voix. Un réajustement de la réforme est possible pour préserver l’avenir du photovoltaïque en toiture et en ombrière en France. Un avenir qui est synonyme de :
- Transition énergétique locale et participative
- Création d’emplois non délocalisables
- Développement économique des territoires
- Indépendance énergétique